Dans Le livre de sable, Borges dédie sa nouvelle « There are more things » à la mémoire de l'écrivain américain H. P. Lovecraft décédé en 1937. L'auteur avoue dans son épilogue à propos de ce récit : « Le destin qui, dit-on, est impénétrable, ne me laissa pas en paix que je n'aie perpétré un conte posthume de Lovecraft, écrivain que j'ai toujours considéré comme un pasticheur involontaire d'Edgar Allan Poe. J'ai fini par céder ; mon lamentable fruit s'intitule There Are More Things. » Il semble ainsi que Borges ne soit pas tout à fait convaincu de la qualité littéraire de son texte où, en effet, le dénouement tarde à venir après avoir laissé place à une narration embrouillée et tortueuse dont les moult détails paraissent desservir la cohésion générale de la nouvelle. Or, cette dissonance demeure paradoxalement en harmonie avec le chaos qui s'installe après la mort de l'oncle du narrateur.
Des pans épars de ce « conte » sont le lieu d'un processus d'exploration de la mort qui révèle ce que l'homme a de plus humain. Aussi ces détails qui donnent à comprendre l'humain à partir de l'atmosphère troublante et déstabilisante qu'installe la mort résonnent-ils étroitement avec la dimension herméneutique que suggère le titre de la nouvelle, qui réfère à une réplique célèbre de Hamlet : « There are more things in heaven and earth, Horatio, than are dreamt of in your philosophy. » (Shakespeare, Hamlet, Act 1, Scene 5). Si, ainsi que l'indique Edgar Morin, « le chemin de la mort doit nous conduire plus profond dans la vie, comme le chemin de la vie doit nous conduire plus profond dans la mort », l'objectif que l'on se fixe dans notre communication s'inscrit dans cette perspective : mettre en évidence la façon dont la démarche littéraire de Borges convie, en déployant l'horizon de la mort comme facteur de désordre existentiel, à prendre conscience de ce qui caractérise fondamentalement la condition humaine.

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